Télérama

Dans la galaxie pianistique, le centre de gravité de la virtuosité s’est déplacé vers l’Asie. A l’occasion du récital parisien de Yuja Wang, petite étude comparative des étoiles montantes qui nous viennent du Levant, dans le sillage de la comète Lang Lang.

Comme un écho au « made in China » qui a envahi l’économie marchande, une vague asiatique serait-elle en train de déferler sur le piano contemporain ? Un « péril jaune » des touches blanches et noires serait-il en train de tailler des croupières à une vieille garde occidentale qui, d’Anton Rubinstein à Hélène Grimaud, aurait trop longtemps monopolisé le clavier ? L’image est tentante, mais largement fantasmée. Depuis une dizaine d’années, des noms aux consonances chinoises ou coréennes ont, il est vrai, fleuri dans les programmes des récitals et des concours. Celui de Leeds, par exemple, l’un des plus prestigieux concours internationaux de piano, fait ainsi monter deux à trois Asiatiques sur les marches de son podium à chaque édition depuis 2003, alors qu’entre 1963 et 2000, on n’en comptait en moyenne qu’un tous les deux millésimes.

Ils sont les représentants d’une école qui privilégie la rigueur, la discipline et l’endurance dans l’apprentissage dès le plus jeune âge. Pour autant, parler d’une relève asiatique en coupe réglée serait aller vite en besogne. D’autant que la plupart de ces produits « made in Asia » poursuivent en général leur formation en Amérique ou en Europe. Et pour un géant démographique comme la Chine – où l’on recense, selon les sources, entre 20 et 50 millions de pianistes amateurs, rien d’étonnant si, de temps à autre, de gros poissons émergent du vivier. Coup de loupe sur les quatre plus talentueux du moment. Quatre musiciens à la virtuosité inouïe et incontestable, dont certains sont aussi devenus de vrais produits marketing formatés pour oreilles occidentales.

Sunwook Kim
Age : 28 ans
Nationalité : Sud-coréenne (vit en Angleterre)

Premiers doigts sur le clavier. Il débute le piano à 3 ans et donne son premier récital à Séoul à l’âge de 10 ans, après s’être essayé un temps au violon.
Marque de fabrique. Formé essentiellement en Corée, le jeune artiste au visage poupin est présenté comme un pur produit maison. Il se distingue par son jeu à la fois assuré et sans esbroufe, avec un contrôle parfait du clavier, un usage parcimonieux de la pédale, une frappe incisive mais néanmoins retenue et chantante, toute en dentelle, comme s’il picorait les notes. « Jouer du piano est pour moi comme m’habiller ou respirer, je le fais sans y penser », confiait-il en 2008 dans une interview au Korea Times.
Terrain de jeu. En 2012, il se lance dans une intégrale des 32 sonates de Beethoven, mais peut aussi se passionner pour ses contemporains, notamment lorsqu’il s’empare des concertos de sa compatriote coréenne, la compositrice Unsuk Chin (née en 1961).
La fois où… En 2006, à 18 ans, il remporte le concours international de piano de Leeds et devient le plus jeune gagnant de ce prix ultra prisé, mais aussi le premier lauréat asiatique. Une victoire qui marque le début de sa carrière en Europe.
Touche marketing. Moins bling-bling que Lang Lang, moins dandy que Yundi, Kim se la joue plutôt boy next door. A côté du piano, il avoue des plaisirs sains et simples : natation, calligraphie et taekwondo, où il excelle comme ceinture noire